Le regard de Marie-Françoise Gagneraud sur le monde est curieux et sa perception aigüe de la réalité donne une vision inattendue de notre quotidien. Elle lui permet de révéler le particulier, souvent poétique dans le banal, dans ce qui d’ordinaire n’attire pas notre attention.

Son regard se focalise depuis quelque temps déjà sur la fenêtre, celle qui est partout autour de nous. Elle la fascine par son omniprésence. Elle est un élément essentiel du paysage urbain. Elle révèle et dissimule à la fois.  Mais la fenêtre est polymorphe. Elle peut apparaitre sous la forme d’un pare-brise de voiture et révéler le jeu de la lumière ou de la pluie sur sa surface. La silhouette de la fenêtre peut aussi être projetée sur un mur par la lumière qui la traverse et donner à voir tous les effets de réflexion à travers les vitres.

L'artiste a commencé par intégrer de vraies fenêtres dans ses peintures. Sa présence forte nous rappelle son importance et son rôle de focalisateur. Ce qu'elle montre à travers une fenêtre n’est pas unique. Chaque vitre pourrait être autonome, liée au mouvement de nos yeux qui parcourent ce qu’ils découvrent. Un décalage est toujours présent et l’objet de la fenêtre unifie l’ensemble.

Cette fenêtre est multiple comme ce que l'on voit à travers elle. Ce qui interpelle en premier lieu ce n’est pas l’objet malgré son utilisation mais sa transparence et le rapport, le jeu, de notre regard avec sa surface invisible. Les reflets rendent visible cette invisibilité et entrent en dialogue avec le lieu. C’est pourquoi la fenêtre, en tant qu’objet, s'est faite progressivement plus discrète jusqu'à n'être que suggérée par l’assemblage de toiles.

Si ce qui est représenté se réfère directement à la réalité, naturelle ou urbaine, sa lecture s’en éloigne. Le cadrage, les choix picturaux brouillent la vision et ne laissent transparaitre que des indices de réalité qu'elle montre ou cache. La peinture, par son traitement se charge de cette mise à distance. Elle pourrait être perçue comme réaliste mais ce n'est pas cette réalité qui intéresse l'artiste mais les couleurs et les lumières.

La fenêtre s’inscrit dans un lieu et semble en être indissociable. Pourtant, ici, elle se détache du mur et joue avec sa surface. Elle n’est plus une ouverture mais un révélateur de l’intimité que le mur nous cache. Il est un obstacle qu’elle traite avec insouciance et poésie. La peinture, l’œuvre se substitue à la fenêtre. Elle est ce révélateur.