Mon regard sur le monde est curieux et ma perception aigüe
de la réalité donne une vision inattendue de notre quotidien. Elle me permet de
révéler le particulier, souvent poétique dans le banal, dans ce qui d’ordinaire
n’attire pas notre attention.
Je capte des fragments de cette réalité par des photos,
nombreuses, qui sont mon carnet de note, mon carnet de route. Elles me
permettent de figer ces moments fugaces, ces rencontres visuelles. Mais ces
photos, je ne les prends pas pour les montrer, elles sont en attente d’être
transformées par mon pinceau. Elles sont un moyen d’inscrire dans ma mémoire
une image et de l’assimiler.
Mon regard se focalise depuis quelque temps déjà sur la
fenêtre, celle qui est partout autour de nous. Elle me fascine par son
omniprésence. Elle est un élément essentiel du paysage rural ou urbain. Elle
révèle et dissimule à la fois. Mais la
fenêtre est polymorphe. Elle peut apparaitre sous la forme d’un pare-brise de
voiture et révéler le jeu de la lumière ou de la pluie sur sa surface. La
silhouette de la fenêtre peut aussi être projetée sur un mur par la lumière qui
la traverse et donner à voir tous les effets de réflexion à travers les vitres.
Cependant, dans un grand nombre de mes peintures, j’ai
intégré de vraies fenêtres. Sa présence forte nous rappelle son importance et
son rôle de focalisateur. Ce que je montre à travers une fenêtre n’est pas
unique. Chaque vitre pourrait être autonome, liée au mouvement de nos yeux qui
parcourent ce qu’ils découvrent. Un décalage est toujours présent et l’objet de
la fenêtre unifie l’ensemble.
Cette fenêtre est multiple comme ce que l'on voit à travers elle. Ce qui m’interpelle en premier
lieu ce n’est pas l’objet malgré son utilisation mais sa transparence et le
rapport, le jeu, de notre regard avec sa surface invisible. Les reflets rendent
visible cette invisibilité et entrent en dialogue avec le lieu. C’est pourquoi
la fenêtre, en tant qu’objet, se fait maintenant plus discrète et est seulement
suggérée par l’assemblage de toiles et le travail du cadre qui rappelle le
montant des fenêtres.
Si ce qui est représenté se réfère directement à la réalité,
naturelle ou urbaine, sa lecture s’en éloigne. Le cadrage, les choix picturaux
brouillent la vision et ne laissent transparaitre que des indices de réalité. La
peinture, par son traitement se charge de cette mise à distance. Elle pourrait
être perçue comme réaliste mais ce n'est pas cette réalité qui m'intéresse mais les couleurs et les lumières.
La fenêtre s’inscrit dans un lieu et semble en être
indissociable. Pourtant, ici, elle se détache du mur et joue avec sa surface.
Elle n’est plus une ouverture mais un révélateur de l’intimité que le mur nous
cache. Il est un obstacle qu’elle traite avec insouciance et poésie. La
peinture, l’œuvre se substitue à la fenêtre. Elle est ce révélateur.